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DOUVAINE le 5 décembre 2010

 

Alain Fayard

Administrateur ANGVC ( Association Nationale des Gens du Voyage catholiques )

Délégué service socio-juridique

Membre de la commission départementale consultative des gens du voyage ( Haute-Savoie )

 

MEMORANDUM A L'ATTENTION DE:

Monsieur le Préfet de Haute-Savoie

-Monsieur le président du Conseil Général

Madame, Monsieur les membres de la commission départementale consultative des gens du voyage (Haute-Savoie)

 

Les commissions départementales consultatives

Elle sont des éléments essentiels sur lesquels repose la loi du 5 juillet 2000 car elles sont sensées veiller à son application.

Or, le constat est affligeant ! Elles ne se réunissent pas ou très peu (au gré des Préfets).

Sans ordre du jour bien défini, elles ne servent qu’à enregistrer des décisions qui ont été arrêtées en dehors de leur instance ; le rôle du Conseil Général est mal défini et la préfecture ne remplit pas pleinement son rôle pour l’application de la loi.

Les comptes-rendus ou les bilans existants ne respectent même pas les obligations inscrites dans la loi, notamment le recensement des autorisations accordées pour des terrains familiaux qui doivent figurer en annexe.

Quant à la place des associations ou des personnalités qualifiées, elle est le plus souvent dérisoire parce qu’elles savent pertinemment que leur voix n'est que rarement prise en compte.

Il est donc souhaitable de réformer un système qui ne fonctionne pas et ne donne pas satisfaction.

La loi républicaine étant applicable à tous, il est donc du ressort des services de l’Etat de faire respecter les décisions et les délais de mise en oeuvre

Les collectivités sont en droit de ne pas se sentir concernées, car de fait impunies pour leur négligence.

Aussi, selon l’ANGVC, le pouvoir de substitution du préfet aurait-il sans doute un effet plus incitatif pour les collectivités s’il prenait effectivement une valeur de sanction.

 

Pour les associations et personnes qualifiées, l’essentiel réside dans la qualité de leurs interlocuteurs (fonctionnaires des collectivités territoriales, des services communaux ou des services de l’Etat) afin qu’ils puissent ensemble, contribuer à la recherche de solutions.

A l’exception de ces derniers, nous pouvons affirmer que ces personnes ressources se trouvent rarement au sein des commissions départementales..

 

Par ailleurs, l’ANGVC est surtout sollicitée par des groupes ou des familles qui, circulant et stationnant ensemble à 20/40 caravanes pour raisons économiques, et qui ne constituent pas un « convoi de grand passage » selon la définition usuelle (80/100 caravanes). Mais ces petits groupes ne trouvent aucune réponse pour leur accueil.

Certains évènements familiaux imprévus peuvent également donner lieu à un rassemblement de caravanes en recherche d’accueil.

Or, les aires d’accueil, lorsqu’elles existent, sont occupées et aucune autorité ne veut ouvrir le terrain réservé aux grands passages, à ces groupes, au motif que leur groupe est peu important ou que la demande se situe en dehors de la période d’ouverture prévue pour ces terrains.

 

Avec l’ANGVC je m'inquiète fortement pour ces familles qui, ne rentrant a priori dans aucun dispositif prévu, sont systématiquement rejetées et font l’objet d’un plus grand nombre de pressions policières ou judiciaires, auxquelles elles cèdent le plus souvent, car elles ne peuvent imposer un rapport de force suffisant.

Je souhaite que ces familles, lorsqu’elles ne peuvent accéder à une aire d’accueil de passage, puissent accéder à une aire de grand passage même en dehors de la période d’ouverture prévue ou à tout autre terrain public qui leur sera proposé.

Pour cela je serais favorable à la création de terrains de grand passage, fixes.

 

La question essentielle qui se pose aux résidents de ces espaces publics aménagés est celle des tarifs pratiqués par les gestionnaires.

Ceux-ci ne permettent pas toujours aux familles l'accès aux aires d'accueil.

Qu’est-ce qui justifie un droit de stationnement journalier à 2€ dans une localité alors qu’une autre imposera un tarif avoisinant les 5€ ou plus ?

Que penser également des barèmes d’électricité ou d’eau lorsqu’ils sont différents du lotissement voisin et qui peuvent sans raison cohérente, atteindre 600 € par mois pour 2 caravanes?

Une telle politique tarifaire est, à nos yeux, génératrice d'exclusion sociale de ces familles, qui n'ont souvent plus d'autre moyen que de stationner de façon illicite.

En effet, la caravane, habitat traditionnel des gens du voyage reconnu par l’article 1 de la loi du 5 juillet 2000, ne bénéficie qu’exceptionnellement (et de façon limitée) d’une aide de la Caisses

départementales d’Allocations Familiales.

La caravane ne constitue pas un logement au sens du Code de la construction et elle ne peut bénéficier en conséquence d’aucune aide au logement (ce qui n’a pas empêché le législateur de la taxer au titre de l’habitation !).

 

A cette question socio-économique s’ajoutent celles des normes adoptées pour un tel lieu de vie ainsi que celles des clauses inscrites dans les règlements intérieurs, qui témoignent parfois d’un manque de respect des publics résidents.

Il n'est pas rare:

  • que les résidents ne puissent entrer et sortir en toute liberté (barrières, fermeture des accès…),

  • que le terrain soit systématiquement clôturé sans absolue nécessité,

  • qu’il soit isolé de tous les services de proximité essentiels,

  • qu’il soit « coincé » entre une bretelle d’autoroute ou de rocade, une déchetterie ou une usine et la voie de chemin de fer;

  • qu’aucune desserte de transport public ou qu’aucun ramassage scolaire des enfants ne soit prévu;

  • qu’aucune aire de jeux pour enfants ne soit prévue dans l’aménagement de l’espace;

  • que les équipements de confort soient sommaires inapproprié à un usage collectif (sans chauffage, matériaux fragiles), avec des défauts de conception (déclivité du terrain, mauvais drainage des eaux, mauvaise isolation)…

La liste est longue tant ces équipements ont été réalisés en négligeant la participation des usagers. N’oublions jamais, comme cela est souvent le cas depuis la mise en oeuvre de la loi Besson en 1990, qu’une aire d’accueil est avant tout un lieu de vie et d’habitat réservé à des familles et non un « camp » (mot souvent utilisé) ou une zone de relégation qui renvoient à des représentations réservées aux camps d’internement et d’extermination durant la Seconde Guerre mondiale et aux Bantoustans créés par la politique d’apartheid en Afrique du Sud?

 

La question des règlements intérieurs soulève aussi beaucoup d’interrogations. Ils sont rédigés par le gestionnaire sans aucune concertation avec quiconque et semblent servir à se prémunir des incivilités supposées des résidents.

Un premier constat, généralisé à l’ensemble départemental, me permet d’affirmer qu’il est pratiquement impossible pour un usager d’avoir entre les mains une copie du règlement intérieur de l’aire à laquelle il accède. C’est pourtant un acte administratif public, mais il reste introuvable pour celui qui le cherche.

Qui souhaiterait déployer, pour en avoir la communication, l’énergie de s’adresser au Délégué du Médiateur dont le délai de traitement dépassera probablement celui du séjour ?

Ainsi, tout risque de recours est de fait quasi nul et les abus perdurent. C’est inadmissible !

 

En second lieu, il faut avouer que ce n’est que récemment que les associations ont pris la mesure de certains abus en vigueur: confiscation de la carte grise originale des caravanes, dépôt de lourdes cautions en espèces (refus des chèques), ...etc.

Certains gestionnaires demandent même le certificat de vaccination des enfants !

Il conviendrait donc, concernant ces règlements intérieurs, de proposer un cadre général, mettant en avant des pratiques relevant du droit usuel en la matière (se reporter à celles élaborées dans le parc de logement social par exemple).

Sans doute faut-il voir dans ce constat une raison pour laquelle les voyageurs sont si sensibles au climat relationnel créé par le gestionnaire ou son délégué, aux normes de confort et à la localisation de l’aire.

Lorsqu’une conjonction de ces facteurs est harmonieuse, lorsque les familles se sentent respectées par la collectivité qui les accueille il n’y a pas de difficultés majeures dans la gestion des aires, certains maires et voyageurs peuvent en témoigner.

Pour exemple le maire de la commune de VIRY et les EPCI de la sous Préfecture de SAINT-JULIEN

 

Enfin, Il faut ajouter que les commissions départementales consultatives des gens du voyage ne se réunissent jamais sur le volet habitat (terrains familiaux et habitat mixte) mais, pour répondre à un impératif de la loi, uniquement sur celui du stationnement des gens du voyage.

Ainsi, ce qui n’est pas pris en compte n’existe dans aucun dispositif, ce qui donne toute légitimité aux pouvoirs publics pour « faire à minima ».

J'ai souvent entendu certains élus affirmer « j’ai fait une aire, je ne ferai rien de plus ».

Il nous est dit qu’il n’y a plus d’argent sur le ligne budgétaire « aire d’accueil et terrains familiaux », mais nous savons qu’il est possible de financer par PLAI de l’habitat adapté ( habitat mixte ou Maison Ultra Sociale)

Alors que la France met en oeuvre les dispositions relatives à un droit au logement opposable ( loi DALO ) qui fait de l'Etat le garant de ce droit, il serait opportun à mes yeux d'étendre cette logique à un droit au stationnement opposable aux communes qui n'ont effectivement pas satisfait à leurs obligations.

 

Alain Fayard